jeudi 3 novembre 2011

Un roman d’amour

J’écrirai sur ton corps, le plus bel endroit que je connaisse, une histoire de chair et de peau. J'écrirai un roman d’amour. Pendant que tu dormiras sur le ventre, je commencerai par une majuscule, celle de notre rencontre. Je tendrai une passerelle entre tes épaules, un pont de fortune qui ne cèdera pas au tumulte du vent, aux secousses des intempéries. J’irai de l’omoplate gauche à celle de droite. Tu sais combien j'ai du mal à accorder ma préférence à l'une plutôt qu'à l'autre. Doucement tu sentiras dans ton sommeil la forme des lettres, les mots se composer à ton insu, un chatouillement aussi léger qu’une plume. Tu devras me faire confiance sur ce que j’écris dans ton dos.
J’avancerai en m’agrippant aux lignes comme à des lianes, frôlant le vertige à chaque instant. Suspendue au-dessus du vide, je chercherai mon équilibre en prenant garde de t’épargner mes hésitations, mes ratures. Je suivrai tes courbes qui ne freineront pas mon élan, mon imagination. Je glisserai sans craindre la chute. Au creux de tes reins, je développerai les mots les plus tendres, les plus inavouables. Un point d’exclamation viendra ponctuer l’affolement de tes hanches. Je réserverai la virgule pour la raie de ton cul, longue et décisive dans le rythme de la phrase, elle viendra d’un trait fendre mon inépuisable inspiration. Dans le premier trou que rencontrera mon stylo, j’enfoncerai ma plus belle déclaration. Je remonterai de ta profondeur assouvir mon éloquence redoublée.
Tes cuisses s'ouvriront à mon vocabulaire débridé. J’insisterai là où les muscles se tendent, où les nerfs se raidissent. À l'approche de ton entrejambe, je m’abandonnerai aux convulsions de la langue. La syntaxe libérée éclatera en mille éclats au profit d’onomatopées et barbarismes de mon invention. Tu corrigeras mes fautes et je ne manquerai pas de m'étourdir. Au passage du creux poplité, je m’accorderai un moment de répit, une respiration. Je rebondirai sur la rondeur de tes mollets avant de faiblir sur tes chevilles. Je cèderai enfin à la concision et je déposerai à tes pieds la plus simple expression de mon désir devant ta peau noircie, ton corps recouvert de mes meilleures intentions, de mes soins les plus précieux.
Tu seras ma plus belle page d’écriture, la plus noble et la plus sincère. Le point final ne trouvera pas sa place sur ta blancheur vaincue.

Et la suite sur l’autre face se passera de commentaires.